Un peu sonné par le long voyage qui m’a ramené cette année en Colombie, j’appréhende de retrouver cet endroit hors du monde. Lorsque je mets le pied sur le Ferox, je retrouve quelques sensations : les visages des marins me semblent familiers, leur sourire et leur gentillesse me réconfortent avant la grande traversée qui nous attend. Ancien minier de la marine suedoise, le Férox a été reconverti en bateau de plongée. Solide et vaillant, il part pour plus de 35h de navigation dans l’Océan Pacifique. Nous quittons la mangrove qui borde le port de Buenaventura, direction plein ouest. L’arrivée se fera le surlendemain au petit matin.
Ce sont les cris des oiseaux marins qui me réveillent alors : ça y est, on est arrivé ! Dés la première plongée, j’entends à nouveau résonner l’appel du bleu. Il tonne toujours, puissant, et m’emporte avec lui. Je deviens carangue parmi le banc gigantesque qui croise au large de Dartagnan, je fuse avec les milliers de bonites qui entourent les plongeurs sur Acuario, je deviens mérou et je joue dans les bulles qui m’intriguent… Je suis la grande sériole et je chasse dans les bancs immenses de gringos et de balistes océaniques. Je suis requin baleine et j’observe ces drôles d’animaux à palme; je suis requin marteau et avec mes centaines de congénères, je nage inlassablement autour de ces îlots isolés de la fureur du monde. Je n’ai jamais vraiment quitté Malpelo, elle reste désormais en moi, sauvage, bouillonnante et insoumise. Je n’ai désormais qu’une hâte : pouvoir y retourner !